Le lièvre et la tortue...à la façon de...
LE LIEVRE ET LA TORTUE | LE MARCHEUR ET LE RANDONNEUR |
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point : Le Lièvre et la tortue en sont un témoignage. « Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitôt que moi ce but. Sitôt ! Êtes-vous sage ? répartit l’animal léger : ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore. sage ou non, je parie encore. » Ainsi fut fait ; et de tous deux ont mis près du but les enjeux, savoir quoi, ce n’est pas l’affaire, ni de quel juge l’on convint. Notre lièvre n’avait que quatre pas à faire j’entends de ceux qu’il fait lorsque, près d’être atteint, il s’éloigne des chiens, les renvoie aux calendes et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, pour dormir, et pour écouter d’où vient le vent, il laisse la tortue aller son train de sénateur Elle part, elle s’évertue ; elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, tient la gageure à peu de gloire, croit qu’il y va de son honneur de partir tard. Il broute, il se repose ; il s’amuse à tout autre chose qu’à la gageure. A la fin, quand il vit que l’autre touchait presque au bout de la carrière, il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit furent vains : la tortue arriva la première. « Eh bien ! lui cria-t-elle, n’avais-je pas raison ? de quoi vous sert votre vitesse ? Moi l’emporter ! et que serait-ce si vous portiez une maison ? » JEAN DE LA FONTAINE |
Rien ne sert de courir ; il faut à temps partir : Le randonneur et le marcheur en ont l’allure. « Parions, dit le premier, que je vais revenir plus vite que vous. Plus vite ! Quelle gageure réplique le sportif musclé : mon cher, il faut vous stimuler avec des injections d’hormones. Pfft ! Pas question que j’abandonne ! » Sitôt dit, sitôt fait, tous deux topèrent sur le champ boueux, sans mettre en jeu quoi que ce soit, ni désigner quelques témoins. De grandes enjambées notre marcheur déploie, en évitant ornières et discrets recoins, et distance le peloton des attardés. Il stoppe aux croisées des sentiers. entre chacune ayant le temps d’éliminer, de se détendre ou de conter fleurette, il laisse son distant concurrent aller son train de randonneur. Dès le départ, celui-ci prend son leste pas de promeneur. « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » dit l’autre, sûr de sa victoire. Mieux ! Il a, pour son honneur, retardé son départ. Il casse la croûte, va au bistrot d’un coin de route. Foin du pari ! Soudain, quand il s’aperçut que l’Homme Nibus approchait de l’arrivée, il accéléra le pas mais chuta, fourbu, derrière le randonneur arrivé premier. « Alors ! Mon petit gars, lequel est en avant ? pourquoi imposer vos grands pas ? Moi, détendu ! Vous, raplapla et sans porter le poids des ans ? » MARCEL CAUDRON d’après JEAN DE LA FONTAINE |